samedi 21 novembre 2009

"Impostures diverses et notamment sentimentales" de Pierre

Pierre est un jeune homme arrivé récemment à l'atelier. Il est l'un des derniers inscrits du moment ! Des textes qui démontrent déjà une finesse, une profondeur, avec de courtes phrases, percutantes, toutes indispensables à l'unité et la cohérence du texte. Je vous laisse découvrir son écriture.

23 ans. Lola

Je sors avec Lola. Elle est ma princesse. Je l’entoure d’affection. Sans rien dire, sans rien faire, elle reçoit tout de moi : des « Je t’aime » sont répétés. Ils deviennent des paroles banales, des mots dévalués. La monnaie d’un Etat qui fait tourner la planche à billets. Face à son immobilisme, je comprends qu’elle ne m’aime pas, qu’elle aime juste être aimée. Commencement de l’imposture. Comment pourrait-elle me désirer quand elle m’a sans effort. Je prends conscience de ma naïveté. La relation amoureuse était vue comme un troc, un simple échange marchand : je te chéris donc tu dois m’aimer. J’attendais son retour. Plus qu’un naïf, je suis comme elle un égoïste. Un égoïste doublé d’un faussaire. Un jour, elle m’annonce qu’elle en fréquente un autre. Nous nous quittons. Fin de la première imposture.

27 ans. Christine

Je la courtise, elle acquiesce. Elle me dit que la relation devra être légère. Sur le moment, je ne fais pas attention. Je ne saisis pas la nuance. Nous formons un couple mais elle me semble distante. Un jour pour avoir le cœur net, je lui demande : « Est-ce que tu m’aimes ? ». Elle me répond : « Non ». Surpris, j’enchaîne : « Alors pourquoi sors-tu avec moi ? ». Elle lâche : « C’est en attendant mieux ». Sur le moment, j’encaisse. Magnanime, je lui passe cette vacherie. Je lui trouve des excuses. Je me dis, c’est de l’humour noir. Ou alors, c’est la peur qu’elle a de s’engager sentimentalement en parole.
Un matin après une nuit d’amour, me regardant m’éveiller, elle m’annonce : « Je crois que je t’aime ». Emu, soulagé, je reste silencieux. Percevant mon émotion, elle ajoute : « En fait, c’est un mensonge ». Je m’habille, je pars au travail. Le soir, au téléphone, je lui annonce que c’est fini. A la réflexion, il vaut mieux vivre sans amour, seul, qu’être aimé à moitié, question de dignité. Fin de la seconde imposture.

Pierre, Octobre 2009

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire