dimanche 22 novembre 2009

"Vieillesse ennemie" d'Amélie, moi !

Allez, je me lance, à mon tour de m'exposer ! Un peu plus tard, je posterai des extraits de mon roman "Nos coeurs s'étaient filé rancard", aux éditions du Cygne.

Nous emmerdions le monde et le monde nous emmerdait. Ah, Camille ! Quand cette fille me prenait par le bras, elle m’envoûtait, me kidnappait, m’encourageait à faire ça n’importe où : dans les toilettes des restaurants, des cafés, du cinéma où nous ne regardions jamais les films en entier. Camille, sans peur ni pudeur. Elle me mettait son cœur entre les mains et soupirait en chuchotant, les yeux fermés, quand tout son corps se relâchait enfin : « Pierre, garde-le pour toujours, ne le perd pas, tu m’entends ? ». Souvent, mes rêves l’accueillaient avec douceur, immense joie. Mais d’un coup, son cœur devenait aussi lisse et fuyant qu’un savon sorti de l’eau. Il glissait, m’échappait sans que je puisse le rattraper.

Le réveil. Brutal, toujours un peu assassin. Mes vingt ans se dissipaient avec les premières impressions de ma vie, de cette vie sans elle. Ma vie mutilée. De petits frissons jouèrent autour de mes yeux. Non, Pierre, tu n’as plus l’âge de chialer et de t’apitoyer sur ton sort, à 80 balais ! Mais son rire, aujourd’hui encore, déchire le silence. Sur certaines régions de mon corps, ses mains m’effleurent.

Mon fils s’inquiète de me savoir isolé des jours et des jours où seuls les programmes télé scandent mon existence.

Ce matin, je décidais de m’habiller et de sortir. Je marchais lentement dans la rue. Parvenu aux abords de la bouche de métro, les frôlements des inconnus se multiplièrent. J’avais peur qu’on me bouscule comme je heurtais ma mémoire à essayer de me souvenir si j’avais bien pris mon médicament avant de partir.
Sur le quai, les trains s’arrêtaient, ouvraient leurs portes et vomissaient des flots de gens aux visages hagards et déjà ailleurs. Des visages anticipateurs. Je clopinais jusqu’à l’intérieur du wagon, me mêlant exprès au contre-courant humain. Les portes se refermaient de nouveau. Deux jeunes femmes discutaient dans ma nuque. Devant moi, le dos massif d’un homme en anorak, forteresse imprenable.

J’étais bien. J’avais chaud. On m’entourait. Ce matin, j’étais moins seul.

Amélie, Décembre 2008.

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