lundi 26 avril 2010

"Ecoute moi" d'Estelle

Une auteure que je ne connais pas encore ! Voici un texte dont le thème lancé par Joëlle Guillais était : Ecoute moi.

Écoute-moi, j’ai besoin que tu écoutes le bruit de la mer avec moi, la sirène du phare, le fracas des vagues qui s’écrasent dessus. J’ai besoin que tu plonges avec moi à l’intérieur de ce bruit, que tu sentes sa douleur, son odeur, sa saveur. Il s’étire en moi et me noie comme un piège qui se referme. Tu viens me chercher mais je suis bien là. Je n’peux plus partir. Regarde mes pieds, ils sont presque devenus des coraux.
Alors Olav se pencha au dessus d’elle. Ses bottes vertes flottaient dans l’eau avec quelques algues qui s’étaient liées autour. Et lorsqu’il s’approcha de son visage il lui sembla devenu flou. Il essuya ses lunettes du revers de sa manche mais les vagues s’acharnaient sur la digue et l’embrun embrassait à son tour tout ce qui tournait autour.
Olav ferma les yeux et perçut l’odeur acre et salée de la mer. Elle lui rentrait par tous les pores de la peau maintenant. Il essaya de tirer la fille par la manche. Elle était devenue lourde comme une ancre. Olav devinait son sourire derrière l’imperméable jaune. Il partit vers la dune.
Dans le déclin du jour son ombre s’allongeait sur le sable. Il se sentait seul. Quelle drôle de demoiselle il avait dégoté là ! Elle ne ressemblait à aucune autre. Il aimait bien s’asseoir à coté d’elle, partager son silence. Mais depuis deux mois qu’il la voyait tous les jours il n’avait pas l’impression de mieux la connaître. C’est vrai, il ne savait rien au fond. Ni d’où elle venait, ni ce qu’elle voulait faire. Elle était fuyante comme une anguille.
Souvent le soir il peignait. Peut-être pour combler l’abandon, ou pour sortir de lui-même. Ca lui faisait du bien. Il appelait ça « manger du paysage ». Ca la faisait rire, elle, qu’il dise ça. En fermant les yeux il essayait de voir son visage, il ne distinguait qu’une ombre.
Il se mit à longer la plage. La marée montait avec une sorte de grondement tranquille. Il regardait sa silhouette au loin, à demi perdue dans la houle. Elle ne l’avait pas écouté, pas un seul instant Elle était comme un mur derrière son univers. Il se sentait si seul. Comment lui dire. Il n’avait pas les mots pour parler. C’est si dur quelquefois de communiquer. Et puis qu’est-ce que ça veut dire communiquer ? Il aurait voulut ne plus se poser de questions. Ca tournait dans sa tête. Marcher lui faisait du bien. Alors il s’allongea sur le sable et laissa la nuit s’installer en lui.

Estelle, février 2010

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