lundi 26 avril 2010

"T'entendre", d'Oriana

Désolée d'avoir tardé à reprendre ce blog. Le point positif, c'est que j'ai amassé nombre de textes aux plumes volubiles et impatientes ! Voici donc, un texte d'Oriana, une plume présente depuis la rentrée dernière à l'atelier Mot à Mot...

C’est un bruit silencieux, léger d’abord et presque imperceptible, une vibration, une secousse à peine. Pour un peu on se rendormirait, mais non, le bruit revient plus brut, vous lance de murs en murs ses grondements. On s’éveille. Quelque chose en nous pousse en tous sens, mais ce n’est plus nous, ce n’est plus moi qui bouge, c’est la terre, c’est les meubles, c’est les murs, c’est les verres, c’est le tremblement de tout autour, incessant. On voudrait descendre, on voudrait sortir, mais on reste là, dépossédé de nos propres mouvements, figé et mouvant malgré soi.
Descendre, sortir, se vêtir, de l’eau une lampe, les clés, du liquide, ouvrir la porte et descendre, et sortir. S’agripper à sa peur, et la faire volonté et la faire action, rigidifier ses gestes, concentrer ses mouvements et descendre et sortir, sans paniquer. Comme on ignore si ce sont nos membres ou la terre qui vibrent, le tremblement se poursuit en nous et hors de nous.
Enfin on est en bas, enfin on réalise ; tout un immeuble au dehors, toute une ville hors de ses murs, avec tous ses habitants dénudés, enfantés par les édifices éventrés.
On me dit de marcher vers un endroit plus sûr, on me dit de rester, on me dit de partir. Je ne veux pas écouter, je ne veux pas rester, je ne sais pas partir, tout ce que je veux c’est t’entendre. Je ne sais pas comment je descends chercher la voiture au sous sol, je ne sais pas comment j’allume le contact, je ne sais pas comment je conduis dans l’obscurité de ma ville, sans électricité ni signalisation, je ne sais pas comment, mais je quitte le quartier, mais je rejoints ta rue, mais je me gare devant ta maison, je ne sais pas comment mais ta maison n’est plus qu’un tas de pierre. Je ne sais pas comment te joindre, te rejoindre, t’entendre, parce que les lignes sont coupés, parce que les maisons sont détruites, parce que les routes sont impratiquables, parce que la terre m’a avalé tout entier avec mon quotidien, mes rues, mon bureau, mes habitudes, en trois minutes de tremblement. Je ne sais pas comment ni quand, t’entendre, je ne sais pas, et ça tremble en moi, doublement.

Oriana

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