dimanche 6 décembre 2009

"Le billet échangé", de Laurent

Laurent est arrivé à l'atelier l'année dernière. Les textes en atelier permettent de s'échapper du quotidien, ou bien de le revisiter, avec distance, humour et/ou poésie.

Il est sorti faire un tour, marcher sans but. Il descend le boulevard, les boutiques sont fermées. De temps à autre un bus passe. Il croise un piéton esseulé. Il ne pense à rien. Il a la tête vide comme la rue.
Soudain, sur le trottoir un petit papier blanc attire son regard. Il le ramasse, le déplie. Il lit : « Rendez-vous dimanche comme convenu, place du Coq d’Or devant le restaurant, bisous. Agathe »
Il n’y a pas de date, le papier est neuf. Il réfléchit que c’est complètement idiot mais aujourd’hui justement c’est dimanche. Pourquoi ne pas y aller ? La place du Coq d’Or est loin, alors il prendra le métro.
Le quai est presque désert. Un vieil homme a le regard absent. Une femme tient un enfant par la main. Deux jeunes se racontent des blagues, éclatent de rire.
Une rame passe et ne s’arrête pas ; curieux. La suivante s’arrête, il monte. Un grand type en costume lit un journal. Station Saint-Georges, c’est là qu’il descend. La place est à 500 mètres.
Dans la rue, quelques passantes se hâtent vers un rendez-vous improbable, comme lui.
Il débouche au coin de la place. Quel étonnement ! Les quelques bancs sont occupés. Il y a aussi beaucoup de monde debout. Le restaurant est plein à craquer. Le plus étonnant ce sont les femmes.
Partout où il regarde, il n’aperçoit que des femmes. Des visages multiples, de longs cheveux, des tresses, des coiffures « afro », des cheveux très courts, masculines, des sophistiquées en tailleur, des jeunes en jeans et longs pulls décontractées, des sportives en survêtement et baskets. Chacune d’elles à son petit billet à la main.
Il s’avance sur la place, il va dire quelque chose, il inspire, prend son élan. Une sonnerie au loin, le réveil est brutal. Nous sommes lundi matin.
Il se lève, le café est prêt. Encore ensommeillé, il se traîne dans la cuisine. Rasé, douché, habillé, il est prêt pour entamer une nouvelle journée.
Sur le chemin du métro, il aperçoit par terre un petit papier blanc plié. Il passe à côté sans le ramasser, il lui laisse son mystère, il le garde pour un rêve prochain, un rendez-vous place du Coq d’Or…

Laurent, février 2008

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